Depuis ses origines, le socialisme est traversé par des courants très divers qui s’opposent parfois durement sur les moyens d’action et sur le projet de société, notamment dans ses rapports à l’économie de marché. Mais il existait jusqu’alors un petit dénominateur commun à tous les mouvements se revendiquant du socialisme : la lutte contre les injustices et la lutte contre les inégalités.
Après presque 4 ans de gouvernement « socialiste », si besoin en était encore, le voile est définitivement tombé. Le PS ne peut plus être considéré comme socialiste, ni même comme social-démocrate, à la rigueur social-libéral si on ne considère pas cette dénomination contradictoire. Si cette mue est animée par des considérations politiciennes (l’art de la triangulation qui brouille la parole politique), alors le PS a perdu toute crédibilité politique. S’il s’agit d’une conversion idéologique sincère au libéralisme économique le plus absolu, alors les mensonges de campagne ont fait perdre toute crédibilité à l’engagement socialiste de ce parti. Et si au final c’est un peu des deux…
Petit retour sur la politique « sociale » des gouvernements « socialistes » successifs :
Le renversement de la hiérarchie des normes au travail : les fondements de la République remis en question
Dès 2013 la loi sur la « sécurisation de l’emploi » s’attaque à la hiérarchie des normes les « accords de maintien dans l’emploi ». En cas de difficultés économiques, une entreprise peut négocier directement avec ses salariés un accord qui prime alors sur les accords de branche et les accords nationaux. Un bilan de ces mesures à l’Assemblée nationale (2014) a conclu que ces accords facilitaient les licenciements et le chantage à l’emploi (comme à Mahle Behr ou Air liquide). Le projet de loi El Khomri (2016) entend élargir encore ces dispositions remettant de fait en cause l’existence d’un code du travail. La loi ne sera plus la même pour tous les salariés mais dépendra du rapport de force au sein de chaque entreprise, rapport de force très dévalué dans un contexte de chômage de masse en France et de dumping social au sein de l’UE.
Le reniement de l’héritage socialiste
Avec la loi Macron de 2014, une première salve avait été tirée contre le code du travail. Il est vrai que l’intitulé de la loi annonçait la couleur : « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances… économique » ! Le Medef opinait déjà le sourire aux lèvres. Justice prud’homale, travail le dimanche et de nuit et tentative de plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse (retoqué par le Conseil Constitutionnel). Avec le projet de loi El Khomri, ce point est remis sur la table et de nouvelles attaques en règle contre le code du travail ou des acquis sociaux comme les 35h sont annoncées et assumées. 70 ans après la victoire du Front populaire et les accords de Matignon, l’idée même de la journée de 8 h est remise en cause ! Corvéable à merci pour garder votre emploi quand bien même tant de nos concitoyen-ne-s sont au chômage. Encore une fois, la concurrence « libre et non faussée » est l’adage appliquée aux salarié-e-s ; tous en compétition les uns contre les autres. Depuis la loi Rebsamen, l’objectif est annoncé, aller vite, plus vite dans les réformes « dont le pays a besoin » en contournant les organisations de salariés. Individualiser le rapport de force au sein de l’entreprise en négociant son contrat flexible directement avec son patron pour « simplifier le dialogue social »… Sus aux syndicats ; Sarkozy en rêvait, Valls et Hollande l’ont fait.
Le tournant autoritaire
Le plus impardonnable, si une hiérarchie peut être faite dans ces reniements, c’est la criminalisation de l’action syndicale et la mise au pas du pouvoir législatif dans notre pays. A peine le projet de loi EL Khomri divulgué, déjà la menace d’une nouvelle utilisation de l’article 49-3 est agitée pour la faire passer en force si les parlementaires qui se considèrent encore socialistes ne se plient pas à la volonté du gouvernement.
Et la condamnation historique de 8 salariés de la transnationale Goodyear pour action syndicale à 9 mois de prison ferme, sur la demande du Parquet, est devenue le symbole extrême de cette répression qui s’abat sur les salariés se battant pour l’emploi, leur dignité et contre les injustices. La liste est longue de ceux et celles qui se sont retrouvé-e-s licencié-e-s pour avoir dit non, des Conti à Air France, de l’inspectrice du travail Laura Pfeiffer à tous ces anonymes en lutte pour la justice !
Quant à la prolongation de l’Etat d’urgence et ses dérives à l’encontre des mouvements sociaux et politiques ? N’en rajoutons-pas… Quand les partis libéraux s’assumant de droite et le Medef acquiescent, le sourire en coin, ou applaudissent l’ensemble de ces mesures (ce qui ne les empêche pas d’être happés par l’avarice de la surenchère), c’est qu’il y a quelque chose de pourri au royaume des solfériniens « socialistes ». Vous nous avez volé nos espoirs, nos illusions et jusqu’à nos mots, notre identité, vous n’aurez pas nos convictions. Qu’ils dégagent tous !
Samuel Garnier