Le prix du service, le prix du contrat
Le réseau Divia reste l’un des réseaux les moins chers de France dans sa catégorie (agglomération de plus de 200 000 habitants), voilà l’argument massue invoqué à chaque hausse de tarif. Si la hausse des prix avait été modérée sur la période du premier contrat de DSP (2004-2010 : 1,50 euros d’augmentation pour l’abonnement mensuel), depuis 2012, on assiste à une augmentation continue du coût des titres de transport sur le réseau dijonnais. Encore une fois, nous retrouvons ici la politique des petits pas (qui en appellent d’autres) si chère aux socialistes gouvernementaux ou dijonnais. A chaque arrêté du Président du Grand Dijon concernant la hausse des tarifs sur le réseau Divia depuis 2012, il est question de « hausses modérées », c’est-à-dire inférieure à 10%. Hausse des Pass Voyages à l’été 2012, modérée. Hausse des Pass Abonnements à l’été 2013, modérée. A nouveau hausse des Pass Abonnements à l’été 2014, modérée. En 2015, deux votes au conseil communautaire ont acté des hausses de tarifs, une pour l’été 2015, une pour le printemps 2016… Le rythme s’accélère. Chaque hausse de tarif ne concerne à chaque fois qu’une partie de la gamme des offres d’abonnement, mais au final, la hausse modérée devient salée pour les « usagers-clients ». La hausse la plus importante a concerné le Pass 5/17 ans, avec une hausse de 38,9% depuis 2012. Les Pass 18/25, les Pass CMU mensuel et les Pass 26 et + mensuel ont connu à tour de rôle des augmentations qui, en cumulé, sont marquées du sceau de notre département : 21, 21 % depuis 2012. Si ce n’est pas voulu, le symbole est pour le moins cocasse… Quant au ticket unitaire, il est passé de 80 centimes à 1,20 euros, soit 50% d’augmentation depuis le renouvellement du contrat. Et même 1,50 euros s’il est acheté directement dans les bus… La hausse du tarif unitaire des tickets de transport était justifiée, en 2012, par la volonté de ne pas contraindre les conducteurs à la vente de titres de transport lors des montées de passagers, ce qui nuisait à leur concentration ainsi qu’à la fluidité et à l’efficacité du trafic (arguments tout à fait recevables a priori). Paradoxalement, le passage de 0,80 centimes (en 2012) à 1,50 euros (2016) de ce qui est devenu le Pass 1H « dépannage » a coïncidé avec la mise en place de la billettique automatique sur le réseau (en 2012 !). Il est des justifications qui laissent réellement… pantois.
Le Grand Dijon conserve la mainmise sur la fixation des prix, mais, ayant délégué ce service public qui, avec le tram vitrine de la modernisation de l’agglomération, ne peut souffrir de baisse de qualité, le rapport de force est en faveur de Kéolis qui n’a pas à se soucier de considérations « politiques ». Ainsi, pour justifier ces hausses de tarifs successives, Alain Millot, ancien maire de Dijon, invoquait l’augmentation de la TVA non répercutée jusqu’alors sur les prix ou encore l’augmentation… des charges du délégataire (énergie, masses salariales…). Le contrat peut donc être renégocié en cours de route si le délégataire ne rentre pas dans ses frais, déficitaire comme à Lille, ou pas assez bénéficiaire comme à Dijon. Hausse des tarifs pour éviter une augmentation des impôts locaux, mais, comme à Lille, cela ne veut pas dire que la contribution du Grand Dijon au délégataire Kéolis ne peut pas augmenter par ailleurs lors des négociations en cours (renouvellement du contrat de DSP pour une troisième période, après 2017)… Gagnant-gagnant nous disait-on !
Oui, mais la tarification sociale
Outre les tarifications « modérées », les représentants du Grand Dijon évoquaient à l’été 2014 « la mise en place d’une tarification solidaire, permettant à 25 800 bénéficiaires de profiter du réseau gratuitement ». Mais les décisions prises par le conseil communautaire du 17 décembre 2015 sont venues disqualifier cette justification de la hausse des autres tarifications. Alors que le Ministère de la Ville a désigné le Grand Dijon comme faisant partie des zones socialement prioritaires (20 000 habitants sous le seuil de pauvreté), ce sont bien les plus précaires de nos concitoyen-ne-s que la dernière hausse de tarif a concerné. Fin de la gratuité pour les chômeurs et des réductions pour les étudiants. Mais la gratuité, ou même la tarification sociale, cela sonne trop « assistanat » et « XXème siècle », ce temps d’un Etat providence imparfait mais progressif.
Pour les chômeurs, laissons la parole à l’élu Les Républicains Laurent Bourguignat, réagissant à l’annonce d’André Gervais (président de la commission de délégation de service public) de mettre fin à la gratuité. « Je suis opposé par principe [donc idéologiquement] au tout gratuit. Un demandeur d’emploi, par définition, c’est indemnisé ; ceux qui sont largement indemnisés paient le tarif normal, comme tout un chacun, et ceux qui sont éligibles à un plafond de ressource auront un pass très réduit à 6 euros par mois. Les actifs et les familles payent [merci pour les chômeurs !], les demandeurs d’emploi le doivent aussi. » Mais la tarification « solidaire » évoquée ci-dessus ne concerne plus que les chômeurs bénéficiaires de la CMU ! Etant donné que très peu de chômeurs en sont bénéficiaires, cette décision fera diminuer de manière très importante le nombre de personnes éligibles à ce tarif « préférentiel ». La précarité n’est plus un problème central pour les socialistes et les élus du parti « Les républicains » de Dijon…
Pour les étudiants, les élus socialistes mettaient en avant l’iniquité entre les étudiants bénéficiaires de tarifs « solidaires » et les jeunes actifs qui ne pouvaient faire valoir ce droit. Argument raisonnable, notamment quand on sait le niveau de précarité de certains jeunes actifs, mais la conclusion qui en a été tirée est tout à fait surprenante. Désormais, Pass 18/25 ans mensuel unique pour tous les jeunes de cet âge, sans même une différenciation de ressources (hausse de 21,21% de cet abonnement depuis 2012 !). Seuls les étudiants bénéficiaire d’une bourse à échelon 6 ou 7 (+ de 500 euros par mois) pourront faire valoir leur droit à un tarif « solidaire ». Avec cette condition, à peine 3000 étudiants seront désormais concernés. 30 euros peuvent apparaître comme un investissement modeste pour pouvoir utiliser le réseau durant un mois, mais c’est oublier que nombres d’étudiants ne disposent que de bourses modestes et/ou sont obligés de travailler en parallèle de leurs études pour vivre, et que nombre d’entre eux ne sont pas originaires de Dijon. Une fois payés le loyer, le chauffage et la nourriture, 30 euros (de transport) ne sont pas anecdotiques en fin de mois. La précarisation estudiantine est croissante ces dernières années, le coup porté aux coûts de transport est donc très rude !
La gratuité ciblée n’a pas encore totalement disparue du réseau de transport en commun du Grand Dijon, mais cela ne saurait tarder. Les Seniors, les anciens combattants et les non-voyants en bénéficient encore. Cependant rien n’est garanti pour le futur proche ! Pour exemple, à l’été 2015, à Lille, où Transpole (filiale de Kéolis) gère le réseau de la métropole, le conseil communautaire a acté la fin de la gratuité pour les chômeurs (comme à Dijon), les seniors ainsi que pour … les aveugles et mal-voyants ! Fin de la gratuité, rognage des « tarifications solidaires », d’une ville à l’autre, gérée par Kéolis et ses filiales, le service public à un prix, et l’entreprise compte bien sur tout le monde pour mettre la main à la poche. Il n’y a pas de petits profits quand on gère un service « public » indispensable à la vie de millions de nos concitoyen-ne-s…
Le Parti de Gauche de Côte d'Or.