Hausse des indemnités des conseillers régionaux de BFC : l’indigne indignation des indignés.

Le jeudi 21 janvier 2016, les conseillers régionaux se sont réunis à Dijon et ont voté le montant de leurs indemnités pour les 6 ans à venir. Pour Marie-Guite Dufay, présidente de région, la hausse de 10 à 20 % de ces indemnités, c’est « le prix de la démocratie ». A l’heure où les symboles sont invoqués pour tenter d’unir les français et les françaises, en voici bien un qui ne peut faire que l’unanimité contre lui. Et ce n’est pas la ligne de défense creusée jusque-là qui pourra sortir de l’ornière une image déjà si dépréciée envers nos représentant-e-s. Des critiques ? Démagogie ! Des interrogations ? Simplisme ! Le prix de la démocratie ? Formule maladroite s’il en est, mais tellement symptomatique d’une conception étroitement marchande et contractuelle de la vie civique.
Revenons sur quelques faits et réactions pour ne pas sombrer dans la démagogie invoquée parfois à juste titre par les élus PS ou Modem.

Une augmentation des indemnités légales ?

Depuis la promulgation de la loi sur la Réforme territoriale (loi NOTRe ; 7 août 2015), les Bourgogne et Franche-Comté ont fusionné. Les indemnités des élu-e-s régionaux sont calculées en fonction du nombre d’administré-e-s (en % de l’indice 1015). Avec plus de 2 816 000 habitants, la BFC est passée de l’indice 50 à l’indice 70, qui représente… le taux maxima d’indemnités des élu-e-s régionaux. Ainsi, les indemnités des conseillers régionaux sont passés de 1900 euros brut à 2280 euros brut par décision de l’assemblée délibérante. Une augmentation de 20% qui s’ajuste donc sur les maxima légaux, mais un droit n’est pas un dû ! Hausse identique pour les vice-président-e-s dont les indemnités passent de 2661 euros brut à 3193 euros brut. Pour les membres d’une commission permanente, la hausse est de 10% (2509 euros brut). Cette hausse ne déséquilibrera certes pas le budget du conseil régional, mais il est un signal en décalage complet avec le discours ambiant et convenu des élus du PS et des Républicains qui demandent toujours plus de rigueur budgétaire à leurs concitoyens. Et résonne encore à nos oreilles l’argument central de la réforme territoriale qui était de faire des économies budgétaires sur le fonctionnement des collectivités territoriales. Mais comme le rappelle la présidente Marie-Guite Dufay : « je ne fais pas partie de ceux qui disaient que le rapprochement [des régions] allait créer des économies tout de suite ». Et comment ne pas faire le parallèle entre cette décision d’augmenter les indemnités des élu-e-s régionaux et d’autres… comme la fin de la gratuité des transports en commun pour les chômeurs du Grand Dijon (PS), les débats pour préparer l’opinion publique à une baisse des indemnités chômage, le gel de l’indice des salaires des fonctionnaires depuis 2010 ou les chèques en blanc (40 milliards d’euros) confiés au grand patronat contre ce million d’emplois promis… depuis le début des années 80 ! Sacrifices immédiats « consentis » sur l’autel de la rigueur, ou pour parler clairement, de l’austérité. Il est des symboles qui coûtent chers. C’est à l’ensemble de la gauche, que le PS souhaite encore représenter, que la note est confiée. Un sens du partage dont beaucoup se seraient passés. Mais alors, comment nos néo-élu-e-s justifient-ils cette décision ?

Démagogie à tous les étages : l’effet-miroir

Premier argument développé, c’est que ces indemnités doivent compenser l’engagement civique de nos représentant-e-s, « largement renouvelé-e-s », qui doivent pouvoir être des élu-e-s de proximité. Louable argument mais quelle représentativité en dehors des catégories socio-professionnelles déjà sur-représentées dans nos institutions : professions libérales, chefs-d’entreprise, fonctionnaires ou professionnel-le-s de la politique ? La question centrale serait plutôt donc celle de remettre à plat la législation sur le statut des élus.

Par ailleurs, est mis en avant la conditionnalité des indemnités en fonction de la présence aux assemblées délibératives et commissions diverses et variées (annonce d’une retenue de 30 à 50 % sur les indemnités d’élu-e-s) et le fait que les frontières de la Grande Région sont étendues et occasionnent des coûts de déplacement importants. Indemnisation justifiée et justifiable par la feuille de présence ? Encore une louable décision a priori, mais il faut aussi rappeler que les frais de déplacement liées aux réunions délibérantes ou commissions et organismes externalisés dont l’élu-e fait parti-e font l’objet d’indemnisations particulières (et justifiées), et que la présence des candidat-e-s élu-e-s est tout de même la moindre des choses.

Démagogie car on ne parle pas d’autres mesures votées à cette occasion comme la signature d’une « charte éthique » qui comprend le non-cumul des mandats « pour certains élu-e-s », des limites aux conflits d’intérêt, la transparence ? Et nous devrions applaudir le fait que nos élu-e-s s’engagent à appliquer la loi ! Démagogie ? Refrain entonné par M. Jérôme Durain, chef de file du groupe PS au Conseil régional de BFC et… sénateur par ailleurs. Il faut dire que le non-cumul ne concerne que les élu-e-s à un conseil exécutif local dans une ville de plus de 10 000 habitants. Quand nos élu-e-s daigneront parapher et appliquer une charte éthique comme celle proposée par l’association Anticor (ruption), nous saurons faire gré à nos représentant-e-s d’être dans la transparence. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres !

L’opposition FN et Les Républicains a beau jeu de crier haro sur les socialistes. Mais la petite chanson sonne creux quand les uns, demandant timidement et symboliquement (car sans crainte d’être suivis) une baisse de 10% des indemnités, et s’abstiennent à l’heure de voter. Ou quand les autres votent contre, jurant main sur le cœur qu’ils auraient réduits leurs indemnités s’ils avaient été majoritaires. Comme dans le département de Côte-d’Or de M. Sauvadet ? Loupé ! Comme nous l’apprennent les affaires à répétition de corruption ou d’abus de biens sociaux ? Est démagogue qui peut !

Samuel Garnier